FANON, ENTRE LE RÉEL* ET L’INCONSCIENT

Jacques ANDRÉ, Psychanalyste

Ce que je sais seulement c’est que mon être tout entier me fit l’effet de courir aveuglément et à toute vitesse vers quelque chose de monstrueux et d’immobile, avec un choc violent trop soudain et trop rapide pour n’être qu’étonnement et indignation, contre cette main noire qui m’arrêtait timidement en se posant sur ma chair de femme blanche. Car, dans le contact d’une chair avec une autre chair, il y a comme une dérogation, quelque chose qui coupe net et droit à travers les voies enchevêtrées de l’ordre et des convenances, quelque chose que connaissent les ennemis aussi bien que les amants, car c’est ce quelque chose qui les fait tous les deux “.

FAULKNER (Absalon ! Absalon !)

Quand on évoque Fanon psychiatre, c’est le plus souvent en quelques lignes, à la fin, pour être sûr de n’avoir rien oublié ; ou en introduction, histoire de respecter la chronologie. Dans une vie pleine d’élaboration et de luttes politiques, la psychiatrie fait figure d’appendice, d’à-côté professionnel en marge de l’engagement, ou de période, formatrice sans doute, mais bientôt dépassée. Peut-être y a-t-il une part de légitimité à procéder ainsi, l’héritage laissé par Fanon à ce que l’on peut appeler, sans emphase, “l’histoire de l’humanité”, relevant davantage du politique que du psychiatrique.

A y regarder d’un peu plus près, cependant, on s’aperçoit que le psychologique et le politique chez Fanon ne s’opposent pas comme deux moments que sépareraient la prise de conscience et l’engagement, comme deux étapes successives sur un “chemin de culture”, mais que l’oscillation d’un pôle à l’autre habite la vie et parcourt l’oeuvre. De Peau noire, masques blancs (1), que Fanon espéra présenter comme thèse de psychiatrie, jusqu’aux Damnés de la terre qui s’achèvent sur des données cliniques, l’importance accordée à l’analyse psychologique, à sa contribution à la compréhension du procès social et des relations de pouvoir qui le dynamisent, cette importance ne s’est jamais démentie. La réciproque est vraie : Fanon, qui maintiendra aussi longtemps que la guerre le lui permettra, son activité de psychiatre, ne se départit jamais d’un regard politique et critique sur l’institution psychiatrique. Depuis les expériences de psychiatrie institutionnelle avec Tosquelles à Saint-Alban jusqu’à l’ouverture de l’hôpital Charles-Nicolle de Tunis sur l’hospitalisation de jour, Fanon a mené un combat permanent à la fois contre le statut de sujétion du malade et contre la carcéralisation de l’hôpital (2).

Si nous parlons d’une oscillation de l’analyse psychologique à la réflexion politique plutôt que d’alternative ou d’opposition, c’est que l’essentiel est moins dans la position respective des termes que dans leur entre-deux, dans cet espace problématique, incertain et hésitant, où s’écrit non seulement Peau noire, masques blancs, mais qui hante, l’œuvre tout entière. Le psychologique et le politique, l’individuel et le collectif, le dedans et le dehors… catégories de pensée qui génèrent des énoncés différents, parfois incompatibles. Bien des lectures de Fanon, inquiètes de leur propre complétude, ont souvent bâclé à cet endroit des synthèses hâtives. Je souhaiterais, à l’inverse, en déployer les termes, en exhiber les difficultés plutôt que de vouloir à toute force les résoudre ou les dépasser ; non de manière générale mais à l’occasion de la question où l’oscillation est la plus forte : l’analyse de la relation raciale.

“En tant que psychanalyste, je dois aider mon client ( … ) à agir dans le sens d’un changement des structures sociales” (3). Formule d’une “politico-thérapie” qui énonce, de façon quelque peu abrupte, ce que fut l’option prévalente de Fanon : répondre aux difficultés psychologiques par une action politique. Mais ce débat n’est pas sans reste. Peau noire, masques blancs en particulier, par le rappel constant des tenants sexuels de la question raciale, témoigne de toutes les résistances du psychologique à se laisser résorber dans le politique. Mon but n’est pas d’ajouter un chapitre au rapport de la sexualité avec la différence raciale, mais d’en saisir l’articulation dans l’œuvre de Fanon, la manière dont elle s’y trouve simultanément affirmée et écartée. Ce balancement en recouvre un autre, de Fanon à la psychanalyse ; relation encombrée s’il en est, la psychanalyse étant dite tout à la fois indispensable et parfaitement inutile. (Il n’est bien entendu pas question de mesurer le degré de conformité de la thèse fanonienne avec la théorie analytique, entreprise sans intérêt. Mais comprendre en quoi l’oscillation incertaine de l’oeuvre entre le psychologique et le politique est inséparable de la question traitée: la relation raciale).

On a lu Fanon, on l’a parfois appris, mais de façon étonnante on n’en a guère prolongé la réflexion (4). Cette communication se veut une interprétation du texte fanonien (et d’abord de Peau noire, masques blancs : oeuvre de “jeunesse” sans doute, profuse jusqu’à la confusion parfois, mais riche aussi de ces mêmes hésitations) ; une interprétation et en même temps une contribution, si modeste soit-elle, à la compréhension des sociétés antillaises. Ce travail fait pièce dans une réflexion plus large dont l’objet est l’analyse des conflits familiaux, des enjeux qui les trament et des désirs qui les soutiennent. (5)

CONFLIT, INCONSCIENT OU DRAME EN “PLEIN AIR”?

“Seule une interprétation psychanalytique du problème noir peut révéler les anomalies affectives responsables de l’édifice complexuel ” (6).
“Le drame racial se déroulant en plein air, le Noir n’a pas le temps de “l’inconscienciser” (7). Les Nègres “existent leur drame”, ils ne l’intériorisent pas.

Peau noire, masques blancs s’écrit tout entier entre ces deux énoncés contradictoires. L’un constatant la force de la structure narcissique dans la problématique raciale, appelle l’analyse. L’autre, notant qu’un trop-de-réalité empêche toute intériorisation, toute amnésie affective” du conflit, dit l’inutilité de se référer à un inconscient inexistant et accorde le dernier mot au réel, au socio-économico-politico-culturel. La psychanalyse à peine convoquée est aussitôt congédiée.

Entrant dans le détail des relations raciales, des rencontres plutôt, c’est l’espace amoureux que Fanon choisit d’évoquer. Le terrain élu est ordonné selon le désir et non par l’exploitation. Mais de ces deux chapitres aux titres génériques (“La femme de couleur et le Blanc”, “L’homme de couleur et la Blanche”), chapitres reposant sur l’interprétation de récits, d’histoires individuelles, et dont la méthode peut être dite analytique, de ces deux chapitres, Fanon conclut qu’il y a rien à conclure, renvoyant Jean Veneuse, alias René Maran, à la solitude de sa névrose abandonnique, et Mayotte Capécia, au-delà du procès d’aliénation, à sa triste médiocrité: “De même qu’il y avait une tentative de mystification à vouloir inférer du comportement de Nini et de Mayotte Capécia une loi générale du comportement de la Noire vis-à-vis du Blanc, il y aurait, affirmons-nous, manquement à l’objectivité dans l’extension de l’attitude de Veneuse à l’homme de couleur en tant que tel. (8)

La conception que se fait Fanon de l’inconscient est au coeur de ce va-et-vient de l’analyse. Voile qu’il faut dissiper, obscurité qu’il faut éclairer, illusion qu’il faut dénoncer, l’inconscient chez Fanon se réduit le plus souvent à une méconnaissance, à une conscience fausse. Contre ce brouillard, la réponse du clinicien se confond avec celle du politique : aider le patient impliqué dans une situation raciale conflictuelle à “conscienciser ” son inconscient (9) -bien que Fanon affirme par ailleurs,la dimension non inconsciente du trouble. Appeler l’homme à prendre conscience et à se retourner vers la réalité sociale.

Naville à l’appui, l’inconscient se limite aux anamorphoses de la structure sociale : “Ce sont les conditions économiques et sociales des luttes de classes qui expliquent et déterminent les conditions réelles dans lesquelles s’exprime la sexualité individuelle, et ( … ) le contenu des rêves d’un être humain dépend aussi, en fin de compte, des conditions générales de la civilisation dans lesquelles il vit” (10). Le conflit inconscient quand il existe est un faux conflit, un leurre. Qu’un individu rêve d’être blanc, un tel désir s’explique par la hiérarchie sociale, par le découpage discriminatoire que celle-ci opère selon les différences de couleur. Le désir d’être blanc se borne à un désir de promotion sociale (11). A rabattre ainsi l’objet du désir sur la scène du réel, c’est la conception proprement psychanalytique du désir, dont l’objet est toujours fantasmatique, qui s’évanouit (12).

Que l’inconscient soit dit absent, faute d’intériorisation, ou qu’il faille le “conscienciser”, d’une manière comme d’une autre c’est en nier la spécificité. Fanon en reste à une définition de l’inconscient comme non-conscience, temps d’égarement provisoire ; en attendant que la conscience s’en empare. Rien n’empêche alors d’espérer une connaissance totale de l’espace psychique qui soit en même temps l’abolition de l’inconscient et de ses effets. Annuler le désir en changeant l’ordre du monde. Tout ce qui sera repéré comme ambivalent dans la relation raciale sera dès lors renvoyé aux rebuts et aux échecs de l’être et non à l’accomplissement de désir (13).

La perspective analytique est tout autre : l’approche de l’inconscient, de ses mécanismes, ne saurait consister en une exposition exhaustive -l’analyse est interminable. L’inconscient, cet autre radical en nous qui nous agit et nous parle sans notre accord, est partie prenante y compris, du savoir de l’analyste lui-même. Celui-ci ne se situe pas en un “bon” lieu où les conflits seraient réglés ou mêmes conscients.

Impossible d’ailleurs de tenir la présence à la conscience comme critère d’équilibre et de maîtrise psychiques. Dans la psychose, ce sont des pans entiers de l’inconscient qui se trouvent à ciel ouvert, “en plein air”. Par contre tout notre stock mémoriel est inconscient au sens descriptif du terme sans relever de l’inconscient au sens psychanalytique. Ce dernier n’est pas le simple négatif de la conscience. C’est une autre “logique”, une autre “structure”. “Un élément inconscient au sens topique ( … ) peut devenir conscient d’un point de vue phénoménologique tout en continuant à faire partie du système” (14). Mayotte Capécia nous en fournit un très bon exemple. Celle-ci est parfaitement au fait de la manière dont le racisme informe les catégories sociales et Fanon, à son sujet, manque peut-être l’essentiel quand il la renvoie au préjugé et à l’aliénation -laquelle suppose au contraire la méconnaissance ; “une femme de couleur, écrit Mayotte Capécia, n’est jamais tout à fait respectable aux yeux d’un Blanc” (15). je sais bien qu’il n’épousera pas une femme noire, mais je l’aime quand même. je sais bien mais quand même; formule dont 0. Mannoni a montré qu’elle signait la présence du processus primaire au sein même de la conscience (“le désir agit à distance sur le matériel conscient et y fait se manifester les lois du processus primaire”) (16). Le désir et l’espoir qu’il alimente survivent au démenti par le savoir (17).

“Les processus inconscients n’ont (pas) d’égard à la réalité. Ils sont soumis au principe de plaisir ; leur destin ne dépend que de leur force et de leur conformité ou non conformité aux exigences de la régulation plaisir-déplaisir” (18). Les raisonnements déterministes, fussent-ils dialectiques, renvoyant “en fin de compte” ou “en dernière analyse” la vérité du psychique du côté du réel économique et social manquent cette déréalité de l’inconscient.

Il y a substitution de dialectique, écrit Fanon, quand on passe de la psychologie du Blanc à celle du Noir. Une étude rigoureuse devrait se présenter ainsi :
– interprétation psychanalytique de l’expérience vécue du Noir;
– interprétation psychanalytique du mythe nègre.
Mais le réel, qui est notre unique recours, nous interdit pareilles opérations ” (19).

Unique recours, vérité de l’inconscient, lieu de résolution des conflits psychiques, le réel est tout à la fois le premier et le dernier mot. L’inconscient n’est que le temps faible d’une progression dialectique, l’intériorisation (voire le reflet) d’une relation de domination prise entre la mise en place d’un rapport d’exploitation et le changement résolutif de la structure sociale. Le réel ainsi conçu comme la Totalité autorise une rationalisation sans reste de la question raciale et renvoie la dimension inconsciente à l’illusion sans avenir d’une satisfaction hallucinatoire (20).

On comprendra aisément qu’au sein d’une telle problématique Fanon ne sache trop quoi faire du fantasme (signe de cet embarras, cette expression incongrue : “phantasmes réels “) (21) sinon à le rabattre sur le préjugé : “l’autre ne doit pas me permettre de réaliser des phantasmes infantiles ; il doit au contraire m’aider à les dépasser” (22). Ou l’Aufhebung en guise de refoulement. C’est négliger à la fois l’intemporalité du processus primaire (23) et le caractère indélébile du représentant inconscient. Mais le bénéfice pour Fanon, c’est qu’à dialectiser (annuler) ainsi l’inconscient, on peut encore sauver une philosophie du Sujet.

Au fantasme, événement imaginaire capté par le désir pour son accomplissement, Fanon préférera le traumatisme : soit la source des conflits psychiques située dans le réel. L’événement traumatique pour l’enfant antillais, c’est la rencontre tardive, au sortir de la première enfance et de la famille, avec une série d’énoncés et d’images valorisant le Blanc et dénigrant le Noir, conduisant l’enfant à s’identifier à la position valorisée, à se placer du côté du héros (le Blanc) et à se dénigrer, lui-même et les siens.

Fanon, à cet endroit, s’appuie sur un texte de Freud (24). On sait que celui-ci évoluera de façon importante sur cette question du traumatisme (25), pour établir notamment que le trauma ne doit son efficacité qu’à son irruption dans une organisation psychique présentant des points de rupture propices. “Là où la pathologie nous montre une brèche ou une fêlure, écrit Freud, il y a peut-être normalement un clivage. Jetons par terre un cristal, il se brisera, non pas n’importe comment, mais suivant ses lignes de clivage, en morceaux dont la délimitation, quoique invisible, était cependant déterminée auparavant par la structure du cristal “. La force du traumatisme tient moins à l’événement qu’à sa capacité de réveiller une excitation d’origine endogène; une efficacité de l”‘après-coup” donc. La contingence de l’événement et la priorité de la vie fantasmatique marqueront la position ultime de Freud (26). A en rester d’ailleurs au seul texte cité par Fanon, texte qui renvoie la pathogénie à la “chaîne des souvenirs” où le trauma se répète et non à l’événement en tant que tel, texte encore qui associe le trauma non à un dommage subi mais à un désir refoulé -le premier des traumatismes c’est la scène de séduction-, à en rester à ce seul texte qui insiste déjà sur la dimension sexuelle, on ne saurait conclure à une préséance du réel (a fortiori d’un réel tardif) dans la genèse du conflit psychique. Fanon s’approchera parfois davantage de la perspective analytique quand il renverra “l’écroulement du Moi” non plus au seul excès du réel mais à la fragilité de la structure psychique (27). Mais à définir le plus souvent le réel comme la vérité de l’inconscient, il sera néanmoins amené à définir la névrose en des termes – béhaviouristes, comme un jeu de stimuli-réponses : “La structure névrotique d’un individu sera justement l’élaboration, la formation, l’éclosion dans le moi de noeuds conflictuels provenant d’une part du milieu, d’autre part de la façon toute personnelle dont cet individu réagit à ces influences ” (28). Un moi se défendant plus ou moins bien contre les excitations extérieures : on est du côté d’Anna Freud, d’une psychologie du Moi, et tout proche du culturalisme auquel Fanon fait d’ailleurs référence à travers le concept de “basic personality”.

En quelques occasions Fanon s’écartera encore un peu plus de l’approche analytique quand il empruntera la voie d’une médicalisation en termes eugénistes : où l’inconscient n’est pas même rabattu sur l’illusion ou l’erreur mais rabaissé au niveau de la “tare”, de la séquelle” et de l”‘anomalie”. A ce type d’entrave la solution est chirurgicale : expulser, extirper ; le conflit psychique doit être résolu comme l’exérèse d’une tumeur.

Peut-être faut-il chercher dans cette phrase de sa thèse en psychiatrie les raisons de cette relation embarrassée de Fanon à la psychanalyse : “La psychanalyse est une vue pessimiste de l’homme. La médecine de la personne se pose comme choix délibéré d’optimisme en face de la réalité humaine” (29). L’inconscient, s’il parle, ne parle à personne et n’est parcouru par aucune intention signifiante. Les représentations de choses et non de mots en constituent le matériau, un matériau fermé au sens (30). Loin de cette opacité, Fanon gardera toujours l’espoir d’une transparence de soi à soi que promet toute philosophie du Sujet, un Sujet qui ne se perd que pour mieux se retrouver. Depuis le couple aliénation-prise de conscience de Peau noire, masques blancs, jusqu’aux Damnés de la terre, vecteurs à venir de l’Histoire, une même logique de la réappropriation du sens sous tend l’oeuvre.

La psychanalyse, quand elle s’efforce de saisir les composantes de la relation raciale, place toujours la différence au coeur de sa réflexion. Non pour la supprimer, mais afin d’en peser les termes. En appeler, comme le fait Fanon, à “assumer l’universalisme inhérent à la condition humaine” vise par contre la négation et le dépassement de la différence. Peut-être est-ce ne pas apercevoir cette collusion paradoxale de l’universalisme humaniste et du discours raciste: il a fallu que tous les hommes soient dits pareils pour qu’ils le deviennent plus ou moins (de la même façon qu’il n’y a des pays sous-développés que depuis que s’est mondialisé l’impératif du développement économique).

La conception même de l’inconscient mesure l’écart qui sépare la démarche fanonienne d’une approche analytique. Mais cet écart ne fait pas que traverser le texte, il est aussi l’objet manifeste d’une argumentation.

Il y a en Europe, dit Fanon, une continuité des structures familiales et sociales qui autorise à interpréter ce qu’il en est de l’adulte à partir de ce que fut l’enfant: “La famille est une institution qui annonce une institution plus vaste : le groupe social ou national. Les axes de référence demeurent les mêmes. La famille blanche est un lieu de préparation et de formation d’une vie sociale” (31). Au contraire, la famille antillaise, écrit Fanon, n’entretient pratiquement aucun rapport avec une structure sociale en extériorité, imposée par la domination coloniale. Rupture du familial et du social qui interdirait de comprendre les particularités de la vie psychique de l’Antillais en référence à l’enfant qu’il a pu être et détruirait, par là même, le bien-fondé d’une écoute analytique.

Les problèmes ne surgissent qu’au sortir de l’enfance et de la famille, dans le premier contact au sein du socius avec des énoncés et des images ordonnés selon une axiologie blanche; énoncés et images qui sont autant de démentis aux représentations qui ont réglé la vie de l’enfant jusqu’alors. Rencontre brutale, traumatisante, plongeant l’individu dans de profondes difficultés psychiques, voire dans la pathologie : “Un enfant noir normal, ayant grandi au sein d’une famille normale, s’anormalisera au moindre contact avec le monde blanc” (32). Une telle discontinuité appelle en guise de réponse clinique une “sociogénie” et dispense de l’ontogenèse freudienne, sauf à lui emprunter, de façon restrictive, la notion de traumatisme.

Fanon, cependant, n’est pas resté insensible à la difficulté de faire surgir de ce seul traumatisme -de la rencontre, répétée pour chaque individu, avec un socius à la fois autre et hostile- la “morbidité” de la formation sociale. A la violence de cet événement réel il oppose, en une occasion au moins, l’épaisseur d’un héritage où le mythe a sa part: “Dans le cas du Noir, que voyons-nous ? A moins d’utiliser cette donnée vertigineuse -tant elle nous désaxe- de l’inconscient collectif de Jung, on ne, comprend absolument rien” (33). L’important, ici, est moins la référence à Jung qu’à l’inconscient, à ce qui par lui se transmet et s’hérite. Toute l’analyse se trouve ainsi déportée du conscient à l’inconscient, du réel à l’imaginaire, du traumatisme au fantasme. Déplacement redoutable par l’abîme qu’il ouvre : à vous donner le vertige, à vous désaxer. Voie périlleuse, aussitôt énoncée aussitôt abandonnée.

Commentant cette opposition quelque peu manichéenne et simplificatrice d’une famille saine et d’une société aliénante, F. Gracchus (34) parle du “rousseauisme” de Fanon: l’Antillais est né pur et l’Occident l’a corrompu.

“Aux Antilles françaises, écrit Fanon, 97 % des familles sont incapables de donner naissance à une névrose oedipienne. Incapacité dont nous t nous félicitons hautement” (35).

“Le complexe d’OEdipe n’est pas près de voir le jour chez les Nègres ” (36).

Pas d’OEdipe, pas de névrose, pas d’homosexualité non plus, laquelle n’est pas loins d’apparaître aux yeux de Fanon comme la tare entre toutes (37). La famille a la pureté de l’origine et la chaleur du giron; elle est ce lieu idyllique à l’abri des méfaits de la relation coloniale. Tout commence à se gâter quand on en sort.

Comment concevoir, que la famille ait pu ainsi se maintenir à l’écart du ‘mouvement de la colonisation quand les sociétés antillaises sont purement et simplement nées de celui-ci ? Dans l’espace afro-américain, il n’y a pas d’organisation familiale qui précède le dispositif colonial. La traite a permis au colon ce qu’il n’a pu réussir ailleurs : la destruction de structures familiales (africaines) incompatibles avec son projet d’asservissement. En lieu et place de ces organisations détruites s’est installée une sorte de modus vivendi familial, conservant sans doute ce qui pouvait l’être de l’ordre perdu, mais prenant surtout en compte les impératifs draconiens de la vie sur l’habitation esclavagiste. Bricolage institutionnel donc, qui devait cependant acquérir au fil des temps la pérennité de la structure au point de pouvoir être décrit sous le nom de “matrifocal”.

Si le mot a valeur descriptive, il véhicule aussi, comme l’a montré F. Gracchus, une confusion durable. Une anthropologie culturaliste a trop souvent conclu de l’absence manifeste d’un homme en position paternelle dans l’espace familial antillais au vide structurel de la fonction-père (“a male-absent structure”). S’il est difficile à l’homme d’occuper une telle position, ce n’est pas qu’elle n’existe pas, mais que la place est toujours-déjà prise. L’occupant, F. Gracchus en cerne les traits au détour des gestes, et des énoncés maternels. Peau “claire”, “chappée”, “sauvée”, enfant plus ou moins bien “sorti”, cheveux lissés, nez manipulé… les mots et le corps se moulent en un “langage” dont le signifiant “blanc” est la clé. “Le Nègre n’a pas, au hasard d’un contact avec l’univers blanc, trouvé dans le regard de l’autre le sens de sa noirceur : ce sens a anticipé sa naissance dans les fantasmes et les désirs de sa mère, dans un enfant imaginaire, qui telle une ombre a plané et recouvert son corps réel” (38). Pour une part un tel processus renvoie à une médiation incontournable: l’information pour l’enfant, quel qu’il soit, passe toujours par le prisme d’un porte-parole. “La particularité du le note P. Aulagnier, fait qu’il a été effectivement d’abord l’idée, le nom, la pensée, parlés par le discours d’un autre : ombre parlée projetée par le porte-parole sur une psyché qui l’ignore et dont elle ignore les exigences et la folle visée. Énoncés qui viennent d’ailleurs et que la voix de l’enfant va s’approprier d’abord en les répétant” (39). (C’est bien à cet endroit de la séduction qu’il faut parler de traumatisme). La particularité pour l’enfant antillais vient de ce que cette figure paternelle profilée, héritière du Maître, non seulement en exclut une autre, mais ne répond jamais à l’appel, demeure imaginaire, ne participe d’aucune relation réversible, c’est-à-dire symbolique. Un tel silence ne peut guère ouvrir que sur la religion, la sujétion ou la haine.

A plusieurs reprises Fanon esquisse les linéaments d’une telle analyse mais sans jamais l’entreprendre : “Aux Antilles la perception se situe toujours sur le plan de l’imaginaire. C’est en termes de Blanc que l’on y perçoit son semblable. On dira par exemple d’un tel qu’il est “très noir”. Il n’y a rien d’étonnant, au sein d’une famille, à entendre la mère déclarer “X… est le plus noir de mes enfants”, c’est-à-dire le moins blanc…” (40). Quand il veut qualifier cette prégnance de l’imaginaire, c’est à un signifiant maternel que Fanon se réfère, parlant de « lactification”. Ce sont encore ces “seins blancs” caressés, voie d’accès à la civilisation (41). Enfin, il y a cette phrase dont on ne mesure peut-être le sens qu’en donnant au mot destin tout son poids : “Aussi pénible que puisse être pour nous cette constatation, nous sommes obligés de la faire : pour le Noir, il n’y a qu’un destin. Et il est blanc” (42).

Le clivage entre une famille saine et une société aliénante laisse ouverte la récupération possible d’un “bon” lieu d’où pourrait être ressaisi, de façon objective, le devenir des significations. Mais au contraire de cette éventualité confortante, Fanon lui-même affirme l’impossible désimplication de l’analyste : “L’objectivité scientifique m’était interdite car l’aliéné, le névrosé, était mon frère, était ma sœur, était mon père” (43). Énumération importante parce qu’elle ne renvoie plus le dysfonctionnement aux personnages sociaux mais familiaux. Intéressante aussi par le terme qu’elle omet.

Nul doute que la famille, et son axe fondateur, la forte amarre à la mère, n’ait été et ne soit dans les sociétés afro-américaines un lieu apaisant et protecteur au sein d’ensembles sociaux peu gratifiants. Mais ceci n’est pas incompatible avec la place décisive qu’occupe la structure familiale dans le procès de reproduction du système. Ce n’est pas par hasard si l’on emprunte aujourd’hui au registre maternel (dépendance, assistance … ) la définition du lien social (44).

Le concept qui permet à Fanon à la fois de se dispenser d’une analyse de la famille et de tenir à distance les données de l’inconscient, est celui d’aliénation. Véritable concept-écran qui se présente un peu comme une solution à des problèmes qu’il évite de poser et dont le paradoxe -étymologique- est de ne jamais vraiment envisager l’Autre et la différence sinon sous la forme de la scission provisoire du même. L’aliénation chez Fanon est en effet inséparable d’une philosophie du Sujet: elle désigne ce moment négatif d’une histoire – individuelle ou collective- où un Sujet se perd, se désapproprie. La réflexivité de la formule promet les retrouvailles ; avec un “en-plus”, celui du chemin parcouru. L’aliénation ainsi conçue suppose un avant de vérité et d’intégrité – même s’il ne s’agit encore que de la naïveté de la certitude sensible -et un après d’authenticité retrouvée et augmentée.

Mais dans l’aire des sociétés afro-américaines, il n’y a pas d’avant de la colonisation, pas d’avant du Maître. Et de ce seul point de vue, le concept d’aliénation perd sa cohérence. Le Maître est toujours-déjà-là, sur la scène de l’histoire, mais aussi sur la scène primitive. De celle-ci E. Glissant, dans Le Discours antillais, formule ainsi l’énoncé: il n’y a “pas de Martiniquais qui ne compte au moins une femme violée parmi ses ancêtres” (45). Une négresse esclave violée par le Maître blanc : le propre d’un tel fantasme originaire est de présenter le coït comme une violence mais quand le fantasme et le réel, fût-il historique, se recoupent, on sait la difficulté d’échapper à la sidération létale, à la répétition de l’identique. La description que fait Glissant de la sexualité de l’homme antillais en repère les traces : la jouissance dérobée et la femme agressée, le tout à l’ombre du grand Autre. Celui-ci ne s’est pas simplement assuré la maîtrise de l’univers réel, jusqu’à la castration effectuée (46) (“Historiquement… le Nègre coupable d’avoir couché avec une Blanche est castré”), mais aussi celle de l’univers symbolique. La séduction est ainsi contemporaine de la violence ; en même temps qu’il asservissait, le Maître caressait le fantasme du sérail (tel le béké Aubéry, que cite Fanon (47), et ses cinquante rejetons “en bas feuille”). Cet enfant que la femme-esclave porte dans ses flancs et qu’elle tue (manjé tè, pa fè yich pou lesclavaj ” mangez de la terre, ne faites pas d’enfant pour l’esclavage) est certes un enfant pour le Maître, mais c’est aussi l’enfant du Maître. Le Blanc n’est pas seulement une image sur un écran de cinéma mais bien une imago, c’est-à-dire un schème imaginaire à partir duquel s’organise la vie fantasmatique. Sans doute peut-on objecter la conformité réelle de la hiérarchie sociale avec l’échelle des couleurs. Cela ne diminue en rien la part de l’imaginaire -sinon à la dissimuler un peu mieux. Dans l’expression “sauver la peau”, ce qu’il faut sauver c’est ce que l’on n’a pas. (Voyez aussi la fascination qu’a pu exercer le mythe du Nègre-Blanc sur la littérature nord-américaine, sur Faulkner en particulier).

C’est à partir de cette complexité, nous semble-t-il, qu’il faut repenser la question raciale, question que manque la problématique de l’aliénation parce qu’elle ne conçoit l’écart que sur fond d’unité et ,dénie ainsi le jeu irréductible des différences. “Pour l’Antillais, écrit F. Gracchus, il n’existe pas des Blancs et des Noirs, mais ceux qui sont blancs et ceux qui ne le sont pas. Il se vit comme manque à l’être et non comme Noir -on est blanc ou on ne l’est pas” (48). Une logique qui recoupe -et masque- celle qui préside à la différence des sexes.

Cet ancrage de la question raciale sur un fond archaïque explique sans doute que l’hypothèque qu’elle fait peser sur les relations humaines ne puisse être levée par une prise de conscience ou une modification des rapports de production. Dans un article de mise au point, “The decolonisation of myself ” (49), 0. Mannoni écrit : “Toute discussion, scientifique ou non, sur la nature en soi des différences raciales ne peut faire avancer une question qui se pose ailleurs. Ces différences deviendront les signifiants qui permettront clairement ou confusément de poser l’énoncé des problèmes les plus profonds qui concernent les rapports entre les hommes, comme si la rencontre du Blanc et du Noir, loin d’être la rencontre de deux hommes-sans-différence, était la rencontre de la différence à l’état pur, la différence sans signification naturelle, qui devient le symbole à la fois évident et absurde de ce qui va mal dans les relations humaines “. Le racisme n’est pas une catégorie nosologique mais plutôt l’élaboration secondaire, éventuellement délirante, d’une difficulté plus radicale, le colmatage d’une faille qui le précède.

Quand il renvoie la femme négrophobe à sa sexualité normale ou l’homme du même acabit à l’impuissance ou l’homosexualité, Fanon ne raisonne pas autrement, même si l’on peut difficilement le suivre sur la voie de cette assignation à une pathologie étroite. On a souvent remarqué la part du mécanisme de projection dans un tel dispositif par quoi le sujet expulse de soi et localise dans l’autre ce qu’il refuse et hait en lui. C’est en des termes proches que Fanon analyse l’attitude du Blanc raciste : “Il a besoin en face de ce différent de lui de se défendre, c’est-à-dire de caractériser l’Autre. L’Autre sera le support de ses préoccupations et de ses désirs” (50). Si l’énoncé raciste se retrouve dans des tableaux cliniques très différents, on concevra cependant qu’il trouve une accointance particulière avec des structures où la projection est prépondérante, la paranoïa notamment ; le colonisé n’étant pas, bien entendu à l’abri d’un tel avatar : “Le colonisé est un persécuté qui rêve en permanence de devenir persécuteur” (51).

Cependant, en référant l’attitude raciste à une structure plus profonde dont elle n’est, en quelque sorte, que la sinistre prothèse, nous risquons à notre tour de masquer dans une synthèse généralisante des différences irréductibles : la question raciale ne se pose pas au Noir -plus précisément au Noir afro-américain dans les mêmes termes qu’au Blanc, qu’il soit ou non en situation de colonisateur. L’Antillais, nous avons essayé de le montrer contre la thèse explicite de Fanon, ne rencontre pas un beau jour le discours racial au détour d’une formation sociale discriminatoire. Un tel discours l’accompagne, au contraire, dès sa “sortie” du ventre de la mère et l’y précède même, dans le désir des parents. La problématique raciale fait ici partie de cette “batterie minimale de signifiants” qui compose le lexique de l’inconscient. Il n’est peut-être pas d’Antillais pour lequel la question de la couleur puisse être indifférente ce qui ne veut pas dire conflictuelle -c’est à cet endroit du conflit qu’il faudrait réintroduire la prévalence de la structure psychique profonde. Toute la thématique de la Relation, du Divers, de la nécessité incontournable d’assumer l’essence métisse des sociétés antillaises chez Glissant, relève ainsi, me semble-t-il, d’un effort de maîtrise -et non de suppression-dépassement- de ces données indélébiles.

Difficile de trouver quelqu’un pour qui, comme Fanon, il soit plus difficile de faire la part de l’œuvre et celle de la vie. Le corps rythme l’œuvre -jusqu’à cette philosophie incarnée dont parle F. Jeanson comme l’exigence intellectuelle guide sans cesse la vie. De l’oeuvre à la vie, la même impatience, la même vibration. L’oscillation entre des principes explicatifs difficilement compatibles du côté de l’œuvre n’a d’égal que la tension qui précipite la vie. A ce degré d’intensité, on se dit que le tracé ne pouvait être que fulgurant et les hasards de la maladie ont les allures du destin.

Pointe-à-Pitre, 1982.

*Note de coordinateur. Le Réel dont parle J. André est à distinguer du réel introduit par J. Lacan. Il s’agit ici de la réalité.

(1) Éditions du Seuil, Paris, 1952, auquel renvoie l’abréviation PNMB.

(2) Sur Fanon psychiatre, cf. L’Information psychiatrique, Ed. Privat, Paris, déc. 75, vol. 51, n° 10.

3) Ibid., PNMB, p. 100.

(4) D. Maragnès a parlé à cet égard d’un “effet Fanon”. CARE (Centre Antillais de Recherches et d’Etudes), Pointe-à-Pitre, n’ 3,1979.

(5) Nombre des questions abordées dans ce texte sont indissociables d’un travail en cours : J. André : Caraibales, Ed. Caribéennes, Paris, 1981 ; “Le coutelas mortel”, CARE n’ 8, 1981 ; “De l’ultime façon de devenir père en tuant sa femme”, L’Homme, Ed. Mou

(6) PNMB, p. 27-28.

(7) Ibid., p. 142.

(8) Ibid., p. 85.

(9) Ibid., p. 100.

(10) Cité par Fanon, PNMB, p. 106.

(11) Ibid., p. 100.

(12) Sans doute pourrait-on évoquer la part d’imaginaire qui habite l’objet “promotion sociale” et de façon plus large l’articulation de l’inconscient et du socius. Mais la démarche de Fanon est inverse – introduire le réel du côté de l’inconscient et non l’inconscient du côté du réel.

(13) Indice de cette position, la critique, étonnante par quoi s’ouvre la polémique de Fanon contre le livre de 0. Mannoni, Psychologie de la colonisation (éd. du Seuil, Paris, 1950): “Ayant vécu à l’extrême l’ambivalence inhérente à la situation coloniale, M. Mannoni est parvenue à une saisie malheureusement trop exhaustive des phénomènes psychologiques qui régissent les rapports indigène-colonisateur”. (Souligné par moi). (PNMB, p. 87). Ou le reproche de tout exhiber, même ce qui n’est pas recommandable.

(14) CF; J. Laplanche : L’Inconscient et le ça, PUF, Paris, 1981, p. 152-55. Pour l’ensemble des particularités du processus primaire, cf. Freud, “L’inconscient”, Métapsychologie, éd. Gallimard 1968.

(15) le suis Martiniquaise, éd. Corréa, Paris, 1948, p. 202; cité par Fanon, PNMB, p. 54.

(16) Clefs pour l’imaginaire, éd. du Seuil, Paris, 1969, p. 22.

(17) Ce que Fanon manque chez Mayotte Capécia, il l’aperçoit par contre très bien quand il analyse la relation du Blanc raciste à ce mythe qu’il forge, la toute-puissance sexuelle du Nègre : “La supériorité (sexuelle) du Nègre est-elle réelle ? Tout le monde sait que non. Mais l’important n’est pas là : la pensée prélogique du phobique a décidé qu’il en était ainsi” (PNMB, p. 149). L’usage du mot “clair” en Martinique et en Guadeloupe résume à lui seule le “je sais bien mais quand même” : je sais que je ne suis pas blanc mais quand même…

(18) Freud, op. cit, p. 97-98.

(19) PNMB, p. 143. (20) Ibid., p. 100.

(21) Un exemple : critiquant l’analyse proposée par 0. Mannoni des rêves du jeune colonisé malgache, Fanon écrit : “Le fusil du tirailleur sénégalais n’est pas un pénis mais véritablement un fusil Lebel 1916” (PNMB, p. 106). Si ce chapitre du livre de Mannoni contient bien des faiblesses (L’auteur, d’ailleurs, en conviendra), notamment celle d’une traduction symboliste simplificatrice, il n’est pas possible pour autant de confrondre le fusil Lebel réel et le fusil Lebel rêvé. Le premier promet un sommeil définitif, le second n’empêche pas de dormir.

(22) Ibid., p. 56.

(23) Freud, op. cit., 97.(27) PNMB, p. 145.

(24) PNMB, p. 137.

(25) Cf. J. Laplanche et J.B. Pontalis – Vocabulaire de psychanalyse, PUF, Paris, 1973, p.. 499 sq.

(26) Peut-être peut-on faire correspondre à ce que Freud définira comme névrose traumatique dans “Au-delà du principe de plaisir” (Essais de psychanalyse, Paris, Payot) -c’est-à-dire une effraction, une brèche étendue, provoquée par une énergie “externe” considérable qui met en jeu le sujet dans sa vie même, un sujet impuissant à opposer au trauma un contre-investissement, serait-ce sous la forme de l’angoisse-, les cas cliniques cités par Fanon à la fin des Damnés de la terre (éd. Maspero, Paris, 1961) : un homme dont la femme a été violée, un autre dont la mère a été tuée, le rescapé d’un massacre… On ne saurait en aucun cas y assimiler les attitudes recensées dans PNMB.

(27) PNMB, p. 145.

(28) Ibid., p. 85. (29) L’Information psychiatrique, op. cit. p. 1090. (30) Cf. J. Laplanche, op. cit. p. 141.

(31) PNMB, p. 141. (32) Ibid., p. 137.(38) F. Gracchus, CARE n’ 3, op. cit. p. 32.

(33) Ibid., p. 138.

(34) Les lieux de la mère dans les sociétés afro-américaines, éd. Caribéennes Paris, 1980, p. 198. Cf. aussi: “Race, Énoncé raciste, Haine de l’autre, Haine de soi“, in CARE n’ 3.

(35) PNMB, pp. 143-144.

(36) Ibid., p. 143.

(37) Pas d’OEdipe, pas “de pédérastie en Martinique” (PNMB, p. 166). Quant au personnage du “Ma commère”, il prend le punch “comme n’importe quel gaillard” et n’est pas “insensible aux charmes des femmes”. S’il arrive à l’Antillais de devenir pédéraste en Europe, c’est affaire d’expédient, de corruption ambiante et non de structure psychique. A l’opposé, l’homosexualité refoulée est le terrain archaïque sur lequel s’élabore chez le Blanc une négrophobie.

Le moralisme, à cet endroit, précède l’analyse ; jusqu’à la répugnance “je n’ai jamais pu entendre sans nausée un homme. dire d’un autre homme: “comme il est sensuel (PNMB, p. 183).

(38) F. Gracchus, CARE n’ 3, op. cit. p. 32.

(39) Les Destins du plaisir, éd. PUF, Paris, 1979, p. 23.

(40) PNMB, p. 152, note 25.

(41) Ibid., p. 71.

(42) Ibid., p. 28.

(43) Ibid., p. 202.

(44) A ne pas entendre, évidemment, comme une mise en accusation des mères. Il ne s’agit pas ici de ce qu’elles veulent mais de ce qu’elles ne peuvent pas ne pas vouloir; il s’agit de l’analyse d’un dispositif libidinal et non d’un procès d’intention. Pour plus de développement sur cette question, cf. J. André: “Le renversement de Senglis”, op. cit.

(45) Ed. du Seuil, Paris, 1981, p. 297.

(46) PNMB, p. 78.

(47) PNMB, p. 57.

(48) CARE n’ 4,1979, p. 111.

(49) Clefs pour l’Imaginaire, op. cit. p. 297.

(50) PNMB, p. 157.

(51) F. Fanon: Les Damnés de la terre, éd. Maspero, Paris, 1968, p. 19.