«A Chaque fois que le mot marché est évoqué dans une activité, je pense systématiquement à Tilène ou Sandaga (marchés populaires dakarois) ». Ce propos provocateur d’un sculpteur sénégalais pour défendre son scepticisme quant à l’existence réel d’un marché de l’art au Sénégal ou plus généralement dans l’espace CEDEAO mérite qu’on s’y attarde.
Le mot marché suppose une transaction entre un fournisseur et un acquéreur autour d’un produit. A cette simple définition, le marché existe bel et bien ; sauf que nous restons alors dans la définition du sculpteur. Le produit artistique n’aura aucune différence avec l’atiéké, le foufou, le niébé ou l’igname.
Qu’est-ce qui doit faire la spécificité d’un marché de l’art ?
D’abord l’objet de la transaction, ensuite sa valeur et enfin le statut des différents protagonistes (artistes, galeristes, collectionneurs, agents artistiques, mécènes et, dans certains cas, l’Etat). Tout cela dans un cadre supposé légal régi par l’autorité politique qui propose un environnement sécurisé accompagné d’indicateurs fiables permettant de suivre à la trace les flux et dé-flux du marché. Quand un marché est solide et sécurisé, les collectionneurs ferment les yeux sur la conjoncture et n’hésitent pas à poser la signature sur le chéquier. Parce que simplement l’œuvre d’art, en tant qu’objet de la transaction, devient une valeur refuge ; un “actif artistique” immobilisable.
L’artiste
« L’artiste est le producteur authentique des objets que chaque civilisation laisse derrière elle comme la quintessence et le témoignage durable de l’esprit qui l’anime.» ainsi est défini l’artiste par Hannah Arendt, dans son texte La crise de la culture. Il est « producteur » ; donc un acteur du marché. La question est dés lors de savoir comment ce producteur « peut-il prospérer sans appui du gouvernement ou de mécènes locaux lorsqu’il doit compter sur une poignée de touristes et la communauté des expatriés pour survivre?» s’interroge le Dr Ghanéen Agbenyega Adedze (in Bulletin du Codesria, numéro 3,4). L’artiste africain ne bénéficie pas économiquement et socialement de son génie créateur, et les gouvernements africains, le secteur privé, les intellectuels et les amateurs d’art africain doivent appuyer, soutenir et promouvoir notre vibrant et dynamique héritage culturel.
Quel consommateur (acquéreur) ?
Partant de ce qui précède, nous pouvons affirmer que toutes les fois que la culture, par les produits qu’elle propose, devient une affaire de position sociale, elle a été en même temps ennuyeuse. La masse, se sentant floué, se tourne tout simplement vers le divertissement. Il faut que l’artiste qui vit et travaille en Afrique ou sur l’Afrique redevienne le producteur d’objets culturels qui durent à travers les siècles.
Groupe 30 Afrique